Unschooling et «Free school»: L’éducation peut commencer

Marike Reid-Gaudet

 

La surveillance de l’éducation par les gouvernements est un des moyens dont  ils se servent pour influencer l’opinion.
– William Godwin, 1756 – 1836

Je m’intéresse au unschooling, à la non-scolarisation, car c’est une philosophie de vie appliquée plutôt qu’une méthode pédagogique comme telle. Cette philosophie, qui est celle des écoles-libres, peut se vivre également dans le cadre de l’éducation à domicile. À mon avis, cette philosophie favorise chez l’enfant l’autonomie, la confiance en soi et le plaisir de s’instruire. L’éducation prend tout son sens en permettant à l’enfant d’apprendre à se connaître lui-même et ne se réduit pas à une simple accumulation de savoir comme dans le système scolaire traditionnel.

Une des plus anciennes école-libre encore active aujourd’hui est Summerhill en Angleterre qui fête cette année ses 92 ans. A.S. Neill1 fonde Summerhill en 1921, les principes de bases de l’école sont la liberté et l’autogestion. Le rôle de l’expert est remis en question: les profs sont d’avantages des facilitateurs. L’enfant est maître de son temps et responsable de son éducation. Neill croyait que les enfants n’apprennent vraiment que lorsqu’ils le souhaitent, que la motivation est intrinsèque, et que apprendre est un mouvement qui part de soi, alors qu’à l’école traditionnelle l’apprentissage est passif : le professeur possède le savoir et le déverse sur l’enfant qui doit essentiellement mémoriser l’information.

Pourtant on n’apprend pas à un enfant à marcher…

Neill postulait que l’école traditionnelle fabrique des individus plus facilement manipulables afin de répondre aux besoins d’une société de consommation.

Ivan Illich2, génial auteur et critique de nos sociétés industrielles s’intéresse aux liens entre l’école et la société capitaliste. En 1961, il crée au Mexique un laboratoire où plusieurs centaines de personnes sont venues réfléchir ensemble sur les meilleures façons pour changer la société. Illich trouvait nécessaire une déscolarisation de la société et chercha des solutions pour séparer l’école et l’État. Ces ateliers prirent fin en 1976, mais ils furent des incubateurs de plusieurs révolutionnaires, tels que l’anarchiste Paul Goodman, le pédagogue brésilien Paulo Freire et le pédagogue américain John Holt.

John Holt3, qui fut amèrement déçu par les réformes, quitta le système traditionnel pour devenir un ardent défenseur de l’éducation à domicile dans les années 70. C’est d’ailleurs lui qui inventa le néologisme unschooling.

Le terme unschooling définit la façon dont vivent les familles en dehors du système d’éducation traditionnel et de son curriculum compulsif. Holt n’excluait pas, pour les enfants, la possibilité d’utiliser une approche traditionnelle ou des manuels scolaires, mais avec pour différence que ce soit l’enfant qui choisit ce qu’il veut apprendre et comment il va l’apprendre. L’enfant contrôle ainsi son apprentissage. Apprendre ne devrait pas être inféodé à un corpus de savoir et de connaissances qui répond à une demande sociétale.

Le rôle des parents dans le unschooling ainsi que des adultes dans l’école libre est d’encourager la curiosité des enfants et de les assister dans leurs recherches et expérimentations. L’enfant est amené à se poser des questions, suivre ses intérêts, lire des textes, initier des projets.

Notre système d’éducation est construit sur un modèle industriel: la journée commence avec une cloche qui sonne, les pupitres sont ordonnés en rangée et les enfants sont séparés en différentes classes, comme par année de fabrication. Ce modèle, né avec le début de l’industrialisation, existe pour reproduire le type de travailleur et de consommateur du système capitaliste. Parce que la philosophie du unschooling postule que l’enfant est un apprenant naturel qui devrait être en charge de son éducation, il s’agit d’un changement radical de paradigme où le but poursuivi n’est plus la reproduction du système mais le plein épanouissement d’un individu, l’enfant.

Ce n’est pas le savoir qui doit être inculqué, c’est la personnalité qui doit parvenir à son propre épanouissement.
 – Max Stirner4, 1842

Créer des alternatives concrètes à l’endoctrinement du système d’éducation institutionnel a toujours été une priorité pour les anarchistes. Que ce soit dans le domaine de la réflexion comme chez Godwin ou Stirner, ou dans le domaine de l’expérimentation comme chez Sébastien Faure et Francisco Ferrer.

L’anarchiste français Sébastien Faure5 créa La Ruche en 1904. Cette école-libre ne dépendait ni de l’État, ni du domaine privé, et elle était auto-suffisante. Il s’agissait tout d’abord d’une école, mais elle était aussi d’une coopérative de travail à laquelle tous participaient pour s’autofinancer. Établis à la campagne, les participants y produisaient du miel, du lait et des légumes et les enfants y étaient autonomes. On y trouvait des ateliers pratiques sans aucun classement, les filles y avaient le même statut que les garçons (ce qui était rare à cette époque), et on n’y enseignait pas la religion. En 1917, suite à la première guerre mondiale, La Ruche ferma ses portes.

Francisco Ferrer anarchiste espagnol créa l’Escuela Moderna en 1901. Ferrer fut emprisonné et exécuté en 1909 par Franco qui a grandement été encouragé par l’église catholique. La mise à mort de Ferrer scandalisa l’opinion publique et donna naissance à plusieurs écoles-libres inspirées de la sienne. Il y a eu en Suisse, en Hollande, en Allemagne et même aux États-Unis.

Qu’en est-il du Québec?

L’éducation au Canada relève de la juridiction des provinces. Au Québec, l’éducation à domicile est légale6, enchâssée dans la loi sur l’instruction publique (article 15.4). Par contre, les écoles-libres sont présentement illégales au Québec. Il existe pourtant des écoles-libres qui ont fait leur preuves en Ontario, en Colombie Britannique, à Albany (à peine deux heures de Montréal).

L’École-Libre Radicale de Mtl Rad School est un groupe d’adultes et d’enfants dévoués à la liberté et à la démocratie en éducation. Le groupe milite pour la création d’une première école-libre au Québec. Ils ont depuis quelques années expérimenté le fonctionnement d’une école-libre avec un petit groupe d’enfants se concentrant sur: les cercles démocratiques, la création collective d’un curriculum organique, etc… La première année, ils ont travaillé sur l’éducation des enfants et l’année suivante sur celle des adolescents. En ce moment, ils souhaitent plutôt concentrer leurs énergies à présenter un projet pilote au gouvernement. Si vous êtes intéressé-e-s à vous joindre au collectif et à participer à leur projets, n’hésitez surtout pas à les contacter!

montreal@ecolelibre-freeschool.org
@EcoleLibreMtl

 

1 Neill A.S. Libres enfants de Summerhill, La découverte, 2004.

2 Illich I. Une société sans école, Seuil 1971.

3 Holt J. Teach Your Own, Perseus, 2003.

4 Stirner M. L’unique et sa propriété ed. Poche, Paris, 2000.

5 Faure S., Propos subversifs Tops Eds H.trinquier, 2012.

6 Association québécoise pour l’éducation à domicile:
http://www.aqed.qc.ca/fr/lois/la-loi